Et la pièce se termine, le rideau tombe… Clap clap clap ! Après quelques semaines d’attente, je peux enfin terminer Latium, le premier roman de Romain Lucazeau. Pour les retardataires, la chronique de l’acte I est ici !
Latium acte II découle naturellement de l’acte I. Les destins des Intelligences neurasthéniques se poursuivent, inexorablement. La recherche du signal lance les nefs sur un ultime chemin. Et derrière cette pièce, ce tableau, l’Homme. L’Humanité. Toujours. La grande absente du roman dans sa matérialité/chair mais toujours mise en relief, psyché numérique, muse inconsciente des automates.
Enfin, va-t-elle apparaître ? Qui sait ?
Latium-II m’a fait vivre de très bons moments de lecture. J’ai mis de côté les considérations philosophiques pour me concentrer sur le côté space-opéra et « sense of wonder ». Le rythme est assez soutenu malgré une longue mise en place. Nous retrouvons Othon, Plautine, Eurybiadès et ses hommes-chiens. Tous naviguent en direction de l’Urbs. Ha, l’Urbs, l’ancienne Rome éternelle, monumentale, capitale interstellaire qui n’offre aujourd’hui que le paraître ! Othon y affronte Galba, l’empereur déliquescent, et surtout le triumvir, dont l’horrible Martian, à la tête des Intelligences. Plautine se balade dans l’Urbs, rencontre la résistance, les plébéiens, espèces de sous-programmes computationnels développant leur force par le nombre, le soutien collectif. Les choses se passent mal. Le piège des Triumvirs se referme, il faut fuir, sous peine de désintégration numérique. Direction une certaine planète, où l’on rencontre un certain Plutarque. Je vous laisse découvrir la suite de l’intrigue. Intrigue que j’ai appréciée dans sa complexité ET aussi dans sa simplicité. Les événements s’imbriquent logiquement, simplement, mais sont le fruit d’une mécanique platonicienne et monadique profonde (Leibniz power). Plautine, dans sa quête de l’Homme, et dans ses réminiscences, comprend de plus en plus ce qui est arrivé lors de l’Hécatombe, notamment par l’intermédiaire d’Anaximandre, le malicieux modulateur monadique permettant les sauts instantanés. On ne décroche pas jusqu’à la fin. Une fin très appréciée d’ailleurs. Alors en fait le méchant c’est…STOP ! Finalement, une fin, enfin, pleine de finesse, judicieuse, ouverte, qui ne demande qu’à explorer le champ des possibles.
Latium est une belle découverte, une lecture parfois exigeante, parfois flamboyante, parfois divertissante (n’y voyons aucune connotation péjorative). Latium est réussi, enrichissant, maîtrisé dans sa façon de proposer une lecture à différents degrés : science-fictionnelle, historique, métaphysique, philosophique, voire psychédélique (Un Plutarque Perché sur sa Planète !). Les Intelligences survivent dans un univers qui penche de plus en plus vers l’irrationnel, tentent, par de nombreuses expériences, de briser le Carcan. Certaines deviennent des sortes de savants fous, perdues dans l’Urbs vacillant. Elles se posent de réelles questions sur leur avenir, recherchent leur propre humanité, sont traversées d’émotions et rêvent de liberté.
Et n’oublions pas les nombreuses références propres à un bon roman de SF : Dan Simmons, Iain M. Banks (complexité des IA), Isaac Asimov, outre les trois lois de la robotique, je pense au Robot qui rêvait (magnifique couverture de Philippe Caza by the way), Kim Stanley Robinson avec La trilogie martienne, à lire en poche (c’est lourd sinon), et autres métajoyeusetés !
Romain Lucazeau, (ou Lcazeu, Lczaue ?) signe là un premier roman fort, profond, d’une vive intelligence. À se demander si l’auteur n’est pas un être computationnel performateur de sa propre transcendance !
Grand merci à Lunes d’encre et à Gilles Dumay !