Life… Une vie bien agressive.

Life afficheDans un futur très proche, les membres de la station spatiale internationale en orbite autour de la Terre profitent de leur isolement pour analyser en profondeur de nouveaux échantillons de sol martien ramenés par une sonde. Bientôt, ils décèlent des traces d’organismes rudimentaires prouvant qu’il y a bien eu une vie extraterrestre sur la planète rouge. Décision est prise d’essayer de ramener à la vie une de ces petites amibes congelées. Mais en tentant d’aller plus loin dans leurs analyses, ils vont se heurter à des conséquences dangereusement inattendues et l’amibe va devenir un organisme prédateur qui évolue de plus en plus avec son milieu. Nos six astronautes doivent se rendre à l’évidence, il y a un 7ème passager franchement indésirable. Dans l’espace, les entendra-t-on cette fois hurler ?

 

Si dans les grandes lignes l’histoire de Life, Origine inconnue de Daniel Espinosa sorti le 19 avril 2017 vous donne un certain air de déjà vu c’est parce qu’il s’inscrit dans une longue lignée d’Alien-like, catégorie presque à part au cinéma depuis l’émergence du film culte de Ridley Scott en 1979. Mais si le film assume d’être une fière série B inspirée d’Alien, il peut créer la surprise et faire un candidat de choix bien plus intéressant qu’on ne le pense face au décevant Alien Covenant sorti peu de temps après (et chroniqué ici sur le site).

La sortie d’Alien et avant ça de La guerre des étoiles a permis de dynamiter sérieusement la science-fiction typée Space Opera à la fin des années 70 sur les écrans (*). Les clones de Star wars et d’Alien ont du coup surgi d’un peu partout, de grands studios voulant aussi avoir leur part du gâteau comme les petits, les artisans consciencieux ou les opportunistes rusés. Mais budget oblige souvent, les films eurent plus les pieds sur terre qu’autre chose.

C’est Contamination de Luigi Cozzi en 1980 avec ses œufs acides et son héroïne militaire ou X-tro de Harry Bromley Davenport (1982) où un père de famille mystérieusement enlevé par une lumière venue du ciel réapparaît après trois ans d’absence pour en fait récupérer son enfant et l’emmener chez les aliens. Chemin faisant, papa contaminera/inséminera (?) une jeune femme sous sa forme extra-terrestre pour émerger de son ventre sous une forme directement humaine puis profitera des retrouvailles avec son fiston pour lui apprendre deux-trois trucs, notamment se servir du corps d’une jeune femme pour y pondre des œufs… über Glauque hein ?

Dans le second X-Tro, toujours de Davenport (1990), on n’essaye même plus de cacher l’inspiration en envoyant des militaires dans un laboratoire tentaculaire pour traquer une créature d’une autre dimension avec photographie bleutée qui rappelle l’univers de James Cameron… Au passage, notons la créature énorme au design curieusement proche de celui de la bestiole de Giger. Plus tard La mutante de Roger Donaldson (1995) n’hésitera pas à reprendre d’ailleurs H.R.Giger en personne pour qu’il personnifie « Sil ». Mais la meilleure parenté qu’on puisse trouver au film de Scott se trouve dans Pitch Black (2000), premier volet de la saga de Riddick par David Thowy et justement ce Life d’Espinosa.

Life visuel 1

Il faut dire que ce dernier dispose de quelques qualités qui en font une très bonne série B de SF.

Premièrement son budget assez confortable de 58 000 000 de dollars que l’on voit véritablement passer à l’écran : décors somptueux de la station spatiale plus vus depuis Gravity (Cuarón) et plus avant encore, Solaris (Soderbergh) ; photographie de Seamus McGarvey qui sait se faire tantôt lumineuse, tantôt sombre et inquiétante ; effets spéciaux incroyablement léchés (la texture de l’amibe ressemble furieusement à une peau plastifiée d’un réalisme fascinant).

Second point qui a son importance ici : la créature.

Elle échappe aux canons de la forme humanoïde assez répandue pour faire penser en fait largement …au Blob. Oui, Le Blob. Celui visqueux et digérant tout sur son passage des films de 1958 de Irvin S. Yeaworth Jr comme celui de 1988 de Chuck Russell. En somme on se rapproche plus d’une grosse cellule curieuse dans un premier temps puis d’une vague étoile de mer translucide et contorsionniste qui grossit de plus en plus. Et sa taille augmente en même temps que son intelligence puisqu’elle comprend très vite que les humains sur ce territoire qu’elle s’est appropriée sont une menace pour sa survie. En littérature SF, on pensera à la courte nouvelle Colonie (Colony) de Philip K. Dick qui, outre un même type de créature proche d’une amibe assez gloutonne, fait preuve de plusieurs scènes assez cruelles. C’est d’ailleurs là le troisième point essentiel.

Life visuel 2

Troisièmement donc, le film est assez intelligent pour prendre son spectateur pour un adulte et lui proposer un spectacle assez nihiliste. Ainsi chacune des mises à mort des personnage s’avère des plus brutale, ne laissant jamais une once de sentimentalisme. L’un des astronautes avoue d’ailleurs que n’ayant jamais su trouver sa place sur une planète jugée bruyante, sale et gâchée, s’il s’engage à traquer la créature, ce n’est même pas pour l’humanité mais pour sa propre survie, et encore. Réalité : 1 – patriotisme : 0.

[spoiler title= » style=’steelblue’ collapse_link=’false’]Il y a même ce contre-pied jouissif façon Psychose (**) de faire mourir un des acteurs connus du casting dès le début pour bien signifier qu’ils n’ont pas une chance.[/spoiler]

« L’une des séquences les plus spectaculaires rappelle d’ailleurs une anecdote de tournage d’Alien : les jets de vapeur qui sortaient du casque de John Hurt étaient simulés à l’aide d’aérosols automatisés. Mais, un jour, le mécanisme se dérégla et commença à remplir le casque de l’acteur. Dans Life, une astronaute se noie peu à peu dans son scaphandre, tandis que la créature l’étreint fermement. Parmi les nombreux ersatz du film de Scott, on a rarement vu une mort aussi éprouvante… » (***)

Enfin, le spectacle final au vu du film c’est qu’il assume totalement d’être une série B de SF déviante plus proche du Blob et de l’état d’esprit de The Twilight Zone ou Au-delà du réel et fait assez plaisir, délivrant un film des plus attachants.

[spoiler name= »Re-spoiler »] Le film se permet même pour une superproduction de faire un pied de nez au traditionnel happy-end pour proposer une fin très pessimiste qui achève de le rendre sympathique. [/spoiler]

Alors Life ? Un lointain cousin d’Alien ? Oui, mais un petit garçon doué qui n’a pas à rougir d’avoir copié un peu sur son aîné afin de finalement rendre une copie avec une vraie personnalité au prof.

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(*) On recommande au passage l’excellent livre (richement illustré) de Jérôme Wybon d’ailleurs : Les guerres des étoiles : 1975 – 1985, l’invasion SF.

(**) Dans le classique de Hitchcock, l’héroïne n’est pas celle qu’on croit. Le spectateur de s’en apercevoir 30 minutes après le début avec la fameuse scène de douche.

(***) Mad Movies hors-série Classics : La saga Alien, p. 111.

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