Après l’entrée avec Junior, un court-métrage en 2012 avec le même personnage de Justine et la même interprète principale (alors âgée, de 11 ans seulement), Julia Ducournau nous sert le plat de résistance avec Grave, qui traite de la découverte par une étudiante végétarienne de son goût pour la chair humaine !
Justine, 16 ans, entre en 1ère année à l’école vétérinaire St-Exupéry, où se trouve déjà sa sœur ainée Alexia, 20 ans. Surdouée, issue d’une famille végétarienne et respectant elle-même ce régime, elle doit, à l’occasion du traditionnel bizutage de début d’année, manger de la viande. Par hasard, lorsqu’Alexia se coupe le doigt par accident, Justine découvre son goût pour la chair humaine…
Après cette mise en bouche, ne vous attendez pas à un film cannibale de série B voire Z, car ce n’est pas du tout le cas. Là où un film comme Green Inferno, d’Eli Roth, peut retourner l’estomac avec ses délires gore et craspec à l’extrême, Grave se révèle plus dérangeant et malsain que véritablement gore (et c’est tant mieux). Le scénario s’applique à rester proche de ses protagonistes, du bizutage à l’école vétérinaire, des soirées débridées, de la découverte de l’interdit, jusqu’à la révélation finale, sans trop verser dans le festival du gros rouge qui tâche. Le film contient cependant des scènes assez impressionnantes, servies par la très bonne musique de Jim Williams, judicieusement placée. La fameuse scène du doigt, particulièrement puissante, dans laquelle Justine se rend compte de sa nature, en est un parfait exemple.
On pourrait y voir, à travers la pulsion cannibale, une métaphore de l’éveil sexuel, et des rivalités amoureuses qui en découlent. L’appel de la chair en quelque sorte ! (voir la rivalité entre Justine et Alexia envers Adrien, leur coloc de chambrée, dans le principe inaccessible puisqu’il est homosexuel).
Le film doit beaucoup à son trio d’acteurs principaux, notamment l’interprétation de Garance Marillier dans le rôle de Justine. Le visage tantôt enfantin, tantôt flippant, fragile et forte à la fois, la jeune comédienne a un jeu naturel et crédible. Ella Rumpf, qui interprète sa sœur, s’en sort très bien aussi. Enfin, Rabah Naït Oufella (Adrien), dont le rôle peut paraître mineur au début, se révèle finalement comme le ciment qui lie le tout, tour à tour catalyseur et déclencheur malgré lui d’une réalité qui le dépasse.
Bien mis en scène, Grave comporte quand même quelques bémols, notamment certains plans dont la présence surprend et n’est pas vraiment expliquée ni vraiment justifiée.
Conclusion
Sans tomber dans le piège du banal film cannibale, Julia Ducournau réussit à faire de Grave un drame intimiste au scénario intéressant. Âmes sensibles s’abstenir malgré tout, mais Grave fait l’effet d’un vent frais dans l’univers des films de genre, si peu nombreux en France !
Grave – Réal : Julia Ducournau – sorti le 15 mars 2017, et 26 juillet 2017 en DVD / Blu-Ray / VOD
En attendant le dessert