Au menu aujourd’hui, je vous propose un petit retour sur une bande-dessinée percutante qui revisite le fameux mythe celtique d’Ys, cité légendaire de Bretagne, engloutie sous l’océan Atlantique. Ville qui serait située aujourd’hui au large de la baie de Douarnenez.
En gros, le roi Gradlon tombe amoureux de la princesse Malgven et s’enfuit avec elle. Malgven – qui n’existe dans le mythe qu’à partir du XIXème siècle – tombe enceinte et meurt en donnant naissance à leur fille Dahud. Gradlon, le père, tombe en dépression et trouve la rédemption grâce à un ermite et la foi chrétienne, sans oublier ses anciennes croyances. Tout du moins au début. Les choses ne conviennent pas à Dahud, fille farouche, rieuse, aimant la vie, qui finit par bouder. Et surtout en rapport à la foi et à la vision pas très glorieuse de la religion chrétienne sur la place de la femme.
Il construit donc à sa fille la cité d’Ys – cadeau d’anniversaire, hochet évolué, vous choisissez – pour qu’elle donne libre cours à ses élans, ses aspirations et ses envies. Ys(biza) devient donc une cité libre et progressiste. On y danse, on y fait la fête, on y fait l’amour, bref, on y fait pas mal de choses que l’on ne fait pas du côté de chez Gradlon où le plus important, c’est de construire une cathédrale à la gloire de Dieu et de prier pour son âme, afin d’éviter la damnation éternelle. L’Ermite s’énerve contre la fille du roi et sa cité. Il invoque la luxure, la fornication et autres faits dus à l’engeance païenne, et à revers, Dahud, un peu magicienne du côté maternel, se lance dans de grands projets pour combler une faille que je vous laisse découvrir. Dahud expérimente aussi l’organisation, le pouvoir et la difficulté de gérer une ville. Rappelons-le, c’est un mythe celtique et breton. En conséquence, les choses ne se passent jamais bien et ne finissent généralement pas comme chez Walt Disney.
Cette revisitation du mythe est plutôt réussie. Annaïg au scénario et Loïc Sécheresse au dessin ont réussi à adapter le mythe au monde contemporain. On y retrouve des thèmes importants comme l’émancipation, la recherche de soi, la place des femmes dans la société, l’aliénation d’une nouvelle religion – dans le cas présent, aliénation sur la société celtique. Dahud représente l’émancipation, les choix que l’on doit effectuer au cours d’une vie. C’est aussi la voix de la déraison, du penser autrement, de vivre dans une certaine liberté. Avec fougue et fureur, elle se bat contre le système patriarcal et la christianisation. Le père, lui, se bat contre ses démons, contre les colères de sa fille qui n’est pas du genre à rentrer dans le rang du conformisme. Au départ, il intègre la nouvelle religion avec ses anciennes croyances. Mais ce n’est pas au goût de l’ermite, rejetant catégoriquement le syncrétisme religieux. Celui-ci l’incite d’ailleurs à abandonner ses anciens dieux. En y réfléchissant, le syncrétisme n’est pas une mauvaise solution, notamment dans un cadre d’assimilation, de mélange et d’ouverture. Mais la foi catholique, intransigeante, ne fait pas dans la tolérance.
Pour en venir au dessin, ne l’oublions pas, parce qu’il fait partie intégrante de la réussite de cet album. Pas facile au premier regard mais dès les premières pages lues, on est vite à l’aise. C’est un dessin en mouvement, parfois chaotique, coloré, voire sombre à certains moments, faisant bien ressentir les sentiments des personnages. Il y a de la courbe, des angles pas forcément droits, de belles perpectives. Un dessin qui entre bien en corrélation avec l’histoire et les dialogues.
Conclusion
Très bonne découverte donc. Nous voilà hors des sentiers battus. On tourne les pages, on réfléchit et on y prend plaisir. Ys est une bande-dessinée bien maîtrisée par les deux protagonistes. Allez-y jeter un oeil ou deux, ça vaut le détour !
Lennadenn vat deoc’h !! (bonne lecture)
Voilà le résumé officiel : « Dahud, fille unique du roi Gradlon, tente de préserver Ys, cité libre et progressiste, de la religion chrétienne. Une vision contemporaine et graphiquement sublime du célèbre mythe de la cité engloutie…
Parti combattre, le roi Gradlon s’éprend d’une reine guerrière qui meurt en accouchant de leur fille.
Inconsolable, il se désintéresse de tout, jusqu’à sa rencontre avec un ermite chrétien qui le convainc d’embrasser sa foi. Hostile à cette religion patriarcale, sa fille Dahud s’exile à Ys, la cité que son père a bâti pour elle. Mais les ambitions de vie alternative que la jeune femme y développe rencontrent rapidement l’hostilité de l’homme d’église… »
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