Longue et riche est l’œuvre de Ray Bradbury. A sa disparition en 2012 à l’âge vénérable de 91 ans, l’artiste pouvait se targuer d’avoir près de 200 œuvres écrites, romans comme nouvelles. Retour ici sur L’homme illustré, l’un de ses recueils de nouvelles, pas piqué des hannetons !
Bradbury, tout le monde le connaît plus ou moins implicitement de long en large.
N’importe quel lecteur de Science-fiction connaît le legs qu’il a laissé à la littérature avec les deux chef d’œuvres que sont Chroniques Martiennes (1950) et Fahrenheit 451 (1953). On connaît un peu moins ses nouvelles, même si à l’instar des deux œuvres citées, elles connurent de nombreuses adaptations diverses, que ce soit en comics (si, si et croyez-moi c’était au top) ou en films. Dans cette dernière catégorie on dénombre deux adaptations de Fahrenheit (l’une en 1966 signée François Truffaut, une autre en 2018 de Ramin Bahrani), une des Chroniques Martiennes en 1980 (plus ou moins une mini série de téléfilms au budget limité avec un Rock Hudson vieillissant) et même une de L’Homme Illustré qui nous intéresse ici-même sous le titre de « L’Homme tatoué » en 1969.
On imagine assez bien la difficulté dans ce dernier cas : que choisir comme histoires dans un recueil de nouvelles pour adapter le tout dans un seul film d’une heure quarante avec Rod Steiger ? Car oui, L’Homme Illustré est donc en amont un recueil de nouvelles que l’ami Ray publie en 1951 (paru chez nous en 1954). Et, il contient parmi les meilleures et plus connues de ses nouvelles par ailleurs.
Et même si l’on y retrouve pas forcément un fameux « Coup de tonnerre » (nouvelle tellement culte que Les Simpsons la parodièrent en hommage dans l’un de leurs Horror Show (épisode 6 de la 6ème saison)), on ne pourra que se délecter du reste, tellement riche et audacieux encore aujourd’hui.
On y côtoie sans mal la dénonciation du racisme (n’oublions pas qu’en 1950 la ségrégation raciale a encore cours aux États-Unis) avec « Comme on se retrouve » (géniale proposition qui inverse le rapport de forces entre Blancs et Noirs à la suite d’une nouvelle guerre nucléaire). On évoquera la religion, la liberté de culte ou l’altérité sur « L’Homme » (Que feriez-vous si, à peine débarqué sur une nouvelle planète, vous comprenez que vous avez loupé l’arrivée de Jésus Christ de quelques jours?) et « Les boules de feu ». Sans oublier qu’il faut se méfier des enfants sur « La brousse » ou « L’heure H » (Sérieusement, ne laissez pas vos mômes jouer avec n’importe qui…. ou n’importe quoi !). Il y aura aussi des invasions de toutes sortes et de tous points de vues avec « La Bétonneuse » (On est avec les martiens qui débarquent sur Terre pour s’apercevoir qu’en fait, face au capitalisme américain, ça ne sert pas finalement à grand chose d’annexer toute la planète ! On sent clairement derrière l’humour doux-amer de la nouvelle une critique bien cinglante de la société et de ses travers) et « La ville ». Et d’autres petits bijoux où se révèlent toute la verve humaniste de leur auteur comme « La fusée » (souvent reprise dans plusieurs anthologies diverses), « L’homme de l’espace » ou « La nuit dernière » (aussi nommée « La dernière nuit du monde » dans les éditions plus récentes… Où l’on suit tout simplement la dernière soirée d’un couple alors que le monde va disparaître).
Bref pour finir sur un adage gastronomique, « Tout est bon dans le Bradbury » !